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Mali : le piège de l'enlisement


L'expulsion de l'ambassadeur de France au Mali par la junte militaire au pouvoir a plongé brutalement la question de la présence de nos forces armées dans ce pays au cœur de la campagne pour l'élection présidentielle. Cette mesure choquante et cynique des militaires maliens – si on veut bien rappeler que 58 de nos soldats sont morts depuis le début de cette intervention il y a maintenant neufs ans – est d'autant plus humiliante qu'elle n'a pas entraîné de véritable réponse de la France si ce n'est d'avoir pris acte de cette décision. La situation au Mali, et plus généralement au Sahel, est préoccupante et il est regrettable que le Parlement en soit tenu à l'écart alors que la session parlementaire doit s'achever à la fin de ce mois de février. Si un débat n'y est pas engagé d'ici là, il ne pourrait l'être qu'après l'élection présidentielle et les élections législatives, c'est à dire au début de l'été alors que la situation dans le Sahel et en particulier au Mali pourrait brusquement s'aggraver. Un tel débat est pourtant aujourd'hui nécessaire et indispensable car la question du maintien de nos forces armées – et dans ce cas des conditions de la poursuite de cette opération – ou de leur retrait avec ses conséquences sur le plan de nos relations avec le Mali doit raisonnablement être posée.


Alors, le temps de la réflexion et du questionnement n'est-il pas venu ? Y a-t-il une vision à long terme dans cette guerre certes légitime contre l'islamisme conduite à l'extérieur ? Mais cette guerre ne devrait-elle pas être menée également et fermement sur le territoire national ? Car la menace moins visible depuis deux ans en raison de la crise sanitaire n'en est pas moins présente et se renforce. Le but de guerre a-t-il été fixé car toute opération guerrière menée sans but précis est vouée à l 'échec ? Mais pour fixer un but de guerre ne faut-il pas au préalable désigner l'ennemi car l'ennemi ce n'est pas le terrorisme qui n'est qu'un instrument, un mode d'action au service d'une cause ?


Une première remarque porte sur la magistrale, la désinvolte et l'imprudente incohérence qui caractérise l'action menée contre la menace islamique par le pouvoir politique depuis de nombreuses années et particulièrement depuis l'attaque sans précédent subie par l'Europe avec cette invasion migratoire orchestrée par l'Etat islamique en 2015 et toujours pas comprise comme telle par la classe politique, pour le malheur de la France et de l'Europe. Comment comprendre que les dirigeants politiques envoient à la mort la frange la plus courageuse, la plus loyale, la plus fidèle et la plus dévouée au service de la France de notre jeunesse pour combattre ce cancer islamique – cette idéologie totalitaire et mortifère qui a succédé à celles du XXème siècle, le nazisme et le communisme – qui s'étend, et qu'au même moment, obsédés par une vision mondialiste et progressiste erronée, ils laissent cet ennemi prendre racine et se développer sur notre sol ? Pure folie ou trahison ? A quoi cela sert-il de combattre par les armes cette hydre à l'extérieur et ne pas le faire sur notre territoire en laissant cette dernière utiliser de façon subtile et cynique, outre l'outil meurtrier que constitue le terrorisme (les coupeurs de têtes), d'autres armes dangereuses sur le long terme pour le peuple français comme la démographie et nos lois démocratiques utilisées à nos dépens notamment contre notre liberté d'expression (les coupeurs de langue) ? C'est, en fait, la stratégie adoptée en 2000, à Doha au Qatar, par l'OCI – et donc celle de l'islam conquérant – qui est appliquée par notre ennemi dans un rapport de forces dans lequel le pouvoir exécutif refuse de s'engager.


La deuxième remarque porte sur les décisions prises par ceux qui nous gouvernent dans l'engagement de nos forces armées à l'extérieur. La justification de l'engagement, son opportunité ou la véritable motivation restent assez floues et leurs conséquences possibles semblent ne pas être étudiées, ou du moins ne pas être retenues par le responsable politique. Le cas du Mali est révélateur. Les opérations Serval et Barkhane n'auraient probablement jamais existé sans l'engagement de nos forces avec les Britanniques et le soutien des Etats-Unis en Libye décidée par le président Sarkozy. Le renversement du colonel Kadhafi et son élimination – quoi qu'on puisse penser de ce personnage – sont non seulement une erreur mais une faute géopolitique et géostratégique majeure et impardonnable sur le plan des intérêts bien compris de l'Europe et donc de la France. Sans cette opération déstabilisatrice de toute la région, l'invasion migratoire déclenchée par l'Etat islamique en 2015, à partir de la Libye – et qui se poursuit aujourd'hui – n'aurait pas eu lieu. Il faut bien reconnaître que les conséquences de cette intervention sont catastrophiques et dramatiques pour notre pays.


La troisième remarque nous ramène à la situation du Mali aujourd'hui et à son évolution depuis 2013. Si l'intervention de la France décidée par le président Hollande avec l'opération Serval fut un succès sur le plan militaire contre les djihadistes, on peut regretter que ce dernier n'ait pas été exploité rapidement sur le plan politique en mettant tout en œuvre pour favoriser l'avènement d'un Mali rénové qui prenne en compte les réalités ethniques de ce pays. Le système politique en place était, en effet, non seulement corrompu, mais dépassé et injuste à l'image du pays divisé notamment avec les revendications d'autonomie exprimées par les populations du nord. Par manque de vision et probablement de courage, nos dirigeants politiques n'ont pas franchi le pas à un moment où l'engagement de la France était pourtant soutenu par la faveur et l'enthousiasme des populations maliennes. Ils ont préféré privilégier l'organisation d'élections présidentielles anticipées dont chacun pressentait qu'elles ne règleraient rien en l'absence d'un changement radical du système politique périmé. De surcroît, nos dirigeants estiment que le légitime droit des peuples doit disparaître au profit d'un flot incessant de « droits de l'Homme » ou du dogme du « vivre ensemble » véritables notions devenues idéologiques mais totalement inadaptées au Sahel car amplifiant en réalité les problèmes. La situation ne pouvait donc qu'empirer et l'opération engagée intervient dans des conditions bien difficiles aujourd'hui avec ce cancer du Nord-Mali qui s'est répandu au fil des ans dans tout le Sahel, d'autant plus que des voix s'élèvent de plus en plus depuis deux ou trois ans pour demander le départ des forces militaires françaises, certaines réclamant même une aide militaire à la Russie. Le Mali et la Russie ont d'ailleurs signé, en juin 2019, un accord de coopération militaire et cette dernière cherche à renforcer son influence en Afrique. A l'évidence, le prestige et le rayonnement de la France s'en trouve fortement dégradés.


Le piège prévisible construit et provoqué par l'intervention désastreuse en Libye est en train de se préciser et de se refermer sur la France – longtemps isolée et abandonnée par les Européens – car le bilan, neuf ans après le déclenchement de l'opération Serval, ne peut dorénavant être considéré que comme un échec. Car, d'une part la menace djihadiste au Sahel n'a pas diminué, au contraire elle s'est multipliée, d'autre part le prolongement dans le temps de notre intervention ne peut que créer de l'animosité à l'égard de nos militaires de plus en plus perçus par la population comme une force d'occupation avec les risques que cela entraîne pour leur propre sécurité. Quant au comportement de la junte militaire au pouvoir et à ses décisions humiliantes prises contre la France, ils ne peuvent pas, ils ne doivent pas rester sans réponse, les conséquences d'un manque de fermeté pouvant être désastreuses. Dans ces conditions, la question du maintien de la présence de nos forces armées au Mali doit à présent être posée. Elle devient légitime car le tribut payé à ce jour est lourd : 58 vies humaines et 8 Mds € pour un résultat frustrant et décourageant ! Qu'il s'agisse d'un retrait pur et simple du Mali de nos moyens militaires, de leur maintien ou d'une réorganisation de l'ensemble dans le Sahel, le débat doit rapidement être engagé au sein du Parlement qui a été trop longtemps tenu à l'écart.


Le 13 février 2022 Général (2s) Antoine MARTINEZ

candidat à la Présidence de la République

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